Rechercher

Comment le juge peut-il trancher quand le mode de calcul du complément de prix d’une cession de droits sociaux est imprécis ?

Malgré les lacunes d’un acte de cession de droits sociaux, le juge ne peut pas fixer le montant du complément de prix sans se référer à la commune intention des parties.

Un acte conclu en 2002 portant sur la cession de toutes les parts d’une société ayant une filiale précise que le prix de cession convenu est susceptible d’être augmenté si les actions de la filiale « deviennent liquides soit par leur admission aux négociations à la cote d’un marché réglementé, soit par leur cession » ; « le complément de prix sera alors égal à 220 000 francs si la valorisation de 100 % du capital est égale à 100 000 000 de francs, étant entendu que si cette valorisation était supérieure ou inférieure à cette valeur de référence de 100 000 000 de francs, le montant du complément de prix sera ajusté proportionnellement ». Les actions de la filiale, introduites sur le marché Alternext en 2006, sont admises le 4 avril 2011 à la négociation en continu sur ce marché (devenu Euronext). Le cédant réclame le complément de prix.

Une cour d’appel en fixe le montant à 98 984 €, en procédant au calcul suivant : 220 000 ⁄ 100 000 000 × 44 993 127 ; elle précise que ce dernier chiffre représente la capitalisation moyenne sur trente jours de la filiale pour un prix de 0,16 € l’action en moyenne mobile sur le mois d’avril 2011 et que cette cotation constitue un élément indépendant de la volonté des parties.

La Cour de cassation censure cette décision : le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties (C. civ. art. 1591) ; or, la cour d’appel n’avait pas établi que la prise en compte de cette valorisation moyenne des titres de la filiale sur 30 jours à compter de leur première cotation en continu sur Euronext pour déterminer le montant du complément de prix résultait de la commune intention des parties.

À noter

Jurisprudence constante : tout comme le prix de cession, le complément de prix doit être déterminé ou à tout le moins déterminable au regard du contrat par des éléments qui ne dépendent ni de la volonté de l’une des parties ni de la réalisation d’accords ultérieurs.

Si l’acte de cession est obscur ou ambigu sur les éléments de détermination du prix, le juge a le pouvoir de l’interpréter. Encore faut-il qu’il se réfère bien à la volonté des parties telle qu’elle lui paraît résulter du contrat puisque la fixation du prix incombe aux parties (C. civ. art. 1591) ; il ne peut donc pas se référer à des éléments extérieurs à l’acte de cession et procéder ainsi à une fixation judiciaire du prix (Cass. 1e civ. 24-2-1998 no 96-13.414 pour une cession de droits sociaux ; Cass. 1e civ. 28-11-2000 pour une vente de matériel). Le juge ne peut désigner un expert chargé de fixer le prix des titres que si celui-ci est déterminable au vu de la méthode de calcul retenue par les parties.

Dans l’affaire commentée, si la cotation des actions de la filiale sur un marché réglementé était expressément prévue par l’acte de cession et constituait bien un élément objectif sur lequel aucune des parties n’avait le pouvoir d’influer, la cour d’appel avait retenu une cotation moyenne sur une période donnée sans indiquer en quoi ce choix pouvait être considéré comme résultant de la commune volonté des parties. L’acte de cession, particulièrement imprécis, ne donnait aucune indication sur ce point.

 

Cass. com. 13-3-2024 no 22-15.309

© Lefebvre Dalloz